Sam, innit ?

June 21, 2025

Ça avait été vraiment une semaine pénible. Le boulot était inhabituellement stressant, il faisait une chaleur à crever, et je trouvais péniblement la motivation pour aller au sport. C’était vendredi soir et j’avais décidé de m’offrir une virée en ville. Il me fallait un petit moment de folie pour me sortir de ma léthargie estivale.

Je m’allume un joint sur Astoria Ditmars, et alors que je laisse le THC m’envahir, je regarde tous ces visages et me demande avec lequel d’entre eux il va se passer quelque chose ce soir. J’avais fait un petit effort vestimentaire malgré la chaleur, et m’était motivé à marcher environ une heure pour arriver au bar sur lequel mon dévolu avait été jeté. J’adore marcher défoncé dans New York, c’est un spectacle captivant, un festival de couleurs, d’odeurs, de bruits, et surtout de personnalités éclectiques. Je déteste la chaleur, mais je dois reconnaître que le spectacle est encore meilleur pendant l’été, comme si la vie avait été figée durant l’hiver, pour finalement reprendre sa forme normale lorsque la température le permet.

Arrivé au bar, je demande à ce gars si il peut bouger son sac pour me laisser le tabouret. Il acquiesce et me laisse entrevoir un visage patibulaire, presque abimé. Alors que j’attends impatiemment ma bière, il me baragouine un truc, je comprends qu’il veut m’offrir une bière, mais je ne comprend rien à ce qu’il dit. On commence à déconner, et une nana s’invite dans notre conversation, je leur demande s’ils sont ensembles, et les deux se marrent. J’apprends que mon voisin de bar s’appelle Sam, qu’il est anglais, et qu’il a un accent qui rend la conversation presque incompréhensible. L’ambiance est géniale, j’ai l’impression de mater un Guy Ritchie.

Il se penche vers moi, et me dit un truc sur la nana d’à côté. Mais cette fois-ci, je n’ai pas capté un seul mot de ce qu’il a dit, pas un seul. J’explose de rire, lui aussi, on se prend des shots pour faire fleurir la conversation. Il retente de m’expliquer ce qu’il voulait me dire, il tourne un peu autour du pot mais en substance, il m’a dit ça: c’est une pute. Le truc, c’est que je ne les connais ni lui, ni elle, peut-être qu’elle lui a foutu un rateau, peut-être que c’est sa nana et il s’est embrouillé avec elle, et vu son état d’ébriété je me dit que tout est possible. Mais Sam a l’air honnête, il a cette espère de droiture paysanne version fish and chips qui me donne envie de lui faire confiance. Tant pis pour la guerre de cent ans.

Il s’avère que Sam avait raison, cette nana était ici pour l’argent et pour les problèmes. Les putes me fascinent, et je crois que lui aussi: il y a dans les interactions avec elles une dynamique de pouvoir particulière mais intéressante. La technique est simple: elles utilisent leur beauté physique pour obtenir des ressources. En tant qu’homme, si vous parcourez un peu le monde en dehors des Starbucks, vous les verrez partout, et vous serez probablement confrontés un jour à ce petit jeu de pouvoir. Okay mate I’m gonna take a leak. You can take my seat and talk with her, it’s scary. Je la regarde elle, c’est vrai qu’elle est plutôt jolie, et je comprends ce qu’il veut dire par scary. La beauté féminine, c’est une force invisible qui transperce les corps noueux et forts des hommes pour les toucher au coeur, un force qui peut contrôler le plus fort des hommes à travers son désir. Je pense même qu’un des combats les plus importants de la vie d’un homme, c’est précisement à apprendre à gérer comment cette beauté nous affecte. Plus radical encore, je suis sûr qu’en perçant le masque de la beauté des femmes, on s’affranchi de notre asservissement à elles, et on devient libre. Relativement libre.

J’ai tellement rigolé ce soir là, jusqu’à ce que notre amie tente un mouvement risqué: boire dans la bière d’un anglais quand il a le dos tourné. Le problème ? J’ai vu, l’anglais a vu, la serveuse a vu, et le gros renoi qui vient de sortir de son chantier assis de l’autre côté aussi. On s’est tous regardés quelques secondes pour savoir comment réagir. C’est remarquable à quel point posséder des gonades femelles permet d’éviter de court circuiter la boucle de réaction très masculine de la violence. Il s’est passé un truc mystique: l’anglais ne s’est pas enervé, la serveuse lui a filé une nouvelle bière et a fait payer la première à la nana. Encore plus mystique, le gros noir s’est levé, l’a prise par le bras et l’a raccompagné dehors. Une douce leçon d’humanité sans violence, c’était magnifique.

Alors qu’il allait partir, Sam attrappa mon épaule avec son énorme main, et m’a offert le plus anglais de tous les compliments : You are a good lad

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