Rihanna

May 11, 2025

La journée touchait gentiment à sa fin, Naz vautré sur le canapé à scroller sur son téléphone, et moi qui tournait en rond dans l’appartement. Je sentais toutefois mes braises intérieures bien chaudes, me demandant comment donner un nouvel élan à ce beau dimanche après-midi.

Comme à mon habitude, j’errais dans mes pensées, me demandant pourquoi en 8 mois je n’avais jamais foutu les pieds à Astoria Park alors que je vivais littéralement à 20 minutes. Puis je me suis rappelé que le vent et -15 degrés y étaient sûrement pour quelque chose. Nous y étions allés dans la matinée pour prendre un café et glander au milieu des familles motivées par les premiers signes de l’été. Il y a dans ce parc un énergie incroyable, la verdure enveloppant la structure bétonnée et taggée du Hell’s Gate, les 150 langues différentes parlées au mètre carré, les bords de un peu sales de la East River. Il y a un côté très romanesque de ce côté du Queens, j’ai l’impression de revivre la vie des immigrés des années 50 ayant ratés à Manhattan, forcés de creuser leur nids de l’autre côté de l’eau.

À mon 3ème aller-retour dans le salon, je saisi le rebond d’énergie qui arrive et je finis par convaincre Naz d’aller boire un coup dehors. J’ai peut-être adossé au projet la prospective de rencontrer des zouzs, peut-être. On jette notre dévolu sur le Rivercrest. J’aime bien ce bar, à mon sens il fonctionne grâce à l’énergie de ses serveuses, super tactiles et qui vous incitent à la consommation à base de Anything else handsome ?

Je ne me rappelle pas bien si elle était là avant qu’on se pose, mais à un moment je me rend compte qu’elle nous regarde. Assise en tailleur sur son siège de bar, lunettes fumées, hoodie et pantalon moltonnée, à enchaîner les shots de vodka. That was loud right ?, nous lance-t-elle après le passage d’une moto dans la rue. Elle baragouine un anglais incompréhensible, pourtant je me rend rapidement compte qu’elle est américaine, je me tourne vers Naz pour qu’il me fasse une traduction. Il n’a rien compris non plus.

Vu sa tête, soit elle est paumée, soit elle est défoncée. En bon gentleman je lui demande si elle est défoncée, mais elle répond que non. Raisonnant par élimination, je conclus qu’elle est paumée, mais à son haleine je comprend aussi qu’elle est ivre. Elle vit à Manhattan.

Mais qu’est-ce qu’une nana qui vit à Manhattan fait à Astoria, dans un sports bar, un dimanche à 15h, bourrée, en hoodie et avec des lunettes fumées

Il s’est passé un truc le vendredi soir, j’en suis sûr. Par compassion pour notre voyageuse égarée, et afin de communiquer sur les mêmes fréquences, je m’envoie quelques shots de vodka accompagnés d’un backshot de picklejuice chacun.

Forcément, fatalement, c’était à cause de ce mec qu’elle voyait. C’est toujours à cause d’un mec. Il l’a utilisée, elle lui a donné, il ne lui a pas rendu. J’ai déjà entendu cette histoire, je l’ai parfois même déjà écrite. Son téléphone ne fait que sonner, et on fini par lui demander qui est ce Philip qui la harcèle. On lui demande si c’est le mec d’hier soir, mais non. Phillip, c’est son meilleur ami, he’s my guy friend.

Vous le voyez venir ? L’homme du vendredi soir c’est son alpha, sa figure masculine, et Phillip qui la harcèle, c’est l’homme dominé par son anima et dépourvu de testicules qui n’est pas content. Rihanna oscille à grande vélocité entre son féminin et son masculin, et le voyage n’a pas l’air très agréable. Le voyage se poursuit d’ailleurs entre Naz et moi-même, Naz qui est aujourd’hui dans une énergie très féminine et moi plutôt masculine. Rihanna n’a aucun respect pour son énergie féminine, et par conséquent aucun respect pour Naz, le pauvre se fait manipuler alors que je les observe dialoguer, et échoue à tous les shit tests qu’elle lui envoie dans la gueule. À défaut de nourrir son énergie féminine, ou en tout cas de la reconnaître, Rihanna cherche tel un nourrisson de l’énergie masculine à consommer.

Le malaise va s’installer lorsque Rihanna tente une sortie de tranchée We both know what’s happening between us, je fais mine de ne pas comprendre avec l’espoir qu’elle fasse preuve d’un peu plus de clairvoyance. Je profite du passage aux chiottes de Naz pour lui expliquer que si j’étais interessé, j’aurais sexualisé l’interaction bien plus tôt. Elle n’est pas bien, mais redouble d’effort but am I pretty ?. Là je vous avoue que je suis mal, déjà parce que je la trouve vraiment pas belle, et parce que cette attitude m’agace au plus haut point. Si je lui rentre dedans, j’ai 50% de chance de la faire pleurer mais je veux vraiment qu’elle comprenne qu’elle est en train de se tirer une balle dans le pied. Dans un élan faussement paternel, je ferme ma grande gueule et je la prend dans mes bras pour lui offrir un peu de réconfort. La filoute, elle me regarde dans les yeux et me dit que je suis mignon. Peut-être qu’elle le pense, mais à ce moment précis ce qu’elle veut c’est juste le retour de compliment. Je ne cède pas, et lui murmure à l’oreille que si elle me trouve attirant, c’est parce que moi-même je me trouve attirant. Elle dit qu’elle sait, qu’elle s’excuse, puis retourne malmener sa projection féminine sur Naz.

Entre temps on avait décidé de la raccompagner à Manhattan, mais vu qu’aucun de nous trois n’avait l’esprit clair, nous avons réussi l’exploit de revenir contre notre plein gré à Long Island City depuis Manhattan pour échouer dans un bar low-key avec des drapeaux américains aux murs. Je vole les lunettes fumées de notre invitée surprise pour commencer à danser au bar et taper la discute avec la serveuse. Elle je l’adore, un regard plein de malice et d’intelligence, des tatouages sur les bras. Je suis bourré mais là y’a de la profondeur d’esprit, en plus elle a vécu à Sacramento, comme moi, et comme Naz. Ça se voit que c’est une fille courageuse, avec un bel équilibre entre Eros et Logos, je n’arrive pas à détacher mes yeux des siens. Un petit jeu de séduction s’installe mais c’est la fin de son shift, j’essaierai de revenir la voir si je me rappelle du nom du bar quand j’émergerai.

Plus tard, et encore plus bourrés, on termine dans un bar vraiment merdique de l’Upper West Side à côté de chez notre paumée pour un baroud d’honneur. Baroud d’honneur durant lequel Rihanna donnera tout, nous suppliera de lui dire qu’elle est pretty, et finira par nous montrer des photos d’elle nue sur son téléphone. Je crois que j’avais subconsciemment compris ce qu’elle allait faire avant même de regarder le téléphone. Fort heureusement, elle a fini par disparaître dans un Uber. Franchement Rihanna t’étais pas classe aujourd’hui.

Au final je crois que je suis le seul qui a passé une bonne journée, Rihanna manifestment partie en hors-piste et Naz fragile sur ses appuis qui l’a prise en pleine tronche. Les backshots de picklejuice m’ont permis de gérer parfaitement ce torrent d’alcool qui a fait subitement irruption dans ma vie après presque 2 ans d’abstinence.

Je t’embrasse Rihanna, j’espère que tu arriveras à naviguer à travers cette tempête et que tu arriveras à bon port. Et vous les mecs, abusez pas de ces nanas là, un jour elles deviendront problablement épouses, mères, grand-mères, et c’est pas vous qui devrez les réparer quand elles seront brisées.