Les couilles

May 10, 2025

C’était une de ces chaudes journées de printemps, un moment de grâce avant la brutalité de l’été New Yorkais. Probablement une des dernières journées où je pourrais m’enquiller des bières au soleil toute une après-midi durant sans avoir la peau qui cloque ni transpirer comme un jambon.

Avec Naz, et agrémentés de 10mg de THC chacun, on saute dans le métro pour rejoindre David, lequel nous a invité à un “shindig” chez son meilleur ami. Je crois qu’à ce moment je ne savais pas encore ce que “a very nice apartment with a huge balcony” signifiait à Manhattan.

À peine arrivés dans le district financier à Tribeca, je suis surpris du calme qu’offre le lieu, un constraste étonnant avec le district financier de San Francisco, un endroit froid et impersonnel où il ne se passe pas grand chose.

Petit hall d’entrée très chic, mais pas gindé, très propre. David arrive, toujours aussi grand et souriant. J’adore ce gars, je le trouve trippant. Nous attendons également sa soeur, qui nous rejoindra au fameux shindig. Aujourd’hui, je me sens différent, quelque chose d’inhabituel se passe en moi, je sens mon coeur déborder de chaleur et de joie, comme si un feu intérieur avait été allumé à mon insu. Sa soeur arrive, et sans vraiment calculer j’enclenche avec elle une conversation tellement fluide que je me surprend moi-même.

Je ne me rappelle même pas des mots que j’ai utilisé, j’ai laissé mon coeur parler. Elle y a été sensible, et je pense pas que mon charme de frenchie y soit pour quoi que ce soit. David nous montre son minuscule appartement de 25m2. C’est vraiment très propre, mais surtout: David à 25 ans, et possède un studio au coeur de Manhattan, le type est malin.

On fini par tous se diriger vers “le nice apartement”, je vous avoue ne pas avoir capté grand chose au chemin, ni même à l’entrée que l’on avait emprunté car j’étais proprement défoncé, mais c’était vers Murray St, je crois, ou Greenwhich St, ou les deux.

Un dédale de couloirs, de lumières lumières tamisées, on se croirait dans un bordel. Je suis défoncé mais le building est select, clairement. Une porte fini par s’ouvrir, on rentre. Non de dieu, une hauteur sous plafond de folie, du mobilier qui coute probablement une couille, et un mec en chemise débarque. Le mec a trop une bonne vibe, surement le genre de mec qui a réussit beaucoup trop vite ou qui a reçu de l’argent de ses darons, ça se voit qu’il n’en a rien de branler, de rien. Ce mec est libre, je résonne avec lui. Un accent australien que je détecte fièrement, sans mentionner que j’avais récemment perfectionné ma prononciation du mot “aussie”, que je dégaine fièrement là aussi. Mi-Australien, mi-anglais, mais grandi sur le sol américain. Quel CV, je suis jaloux, le type est trop cool.

Impossible de rentrer dans le salon sans zyeuter le balcon visible derrière ces énormes fenêtres. Bon honnêtement, pour moi c’est plus une terrasse qu’un balcon, il fait littéralement 200m2. Ça enchaine les bières, je prend des photos, je lâche des blagues de merde, je suis défoncé: je suis donc à mon prime. Je vois une platine dans le salon: David voit ma tête défoncée/ébahie et me confirme qu’il y aura un DJ. Bordel les astres sont alignés, ma récente passion pour la musique et NYC au même endroit, au même moment, sur ce balcon très bourgois de south manhattan.

Je suis avec Naz et la soeur de David, on fait connaissances avec les autres groupes mais je remarque rapidement que les mecs restent entre eux, moi y compris, en évitant soigneusement de se présenter aux première zouzs qui débarquent.

Je continue de boire, la musique démarre. Le soleil que l’on croyait disparu réapparait. Je suis encore plus défoncé, et encore plus saoul. Je repère deux petites blondes collées à la rembarde du balcon. Je regarde tous ces mecs gênés avec leur bière à la main, s’échangeant des banalités sur leurs taffs, ou sur leur origines.

Je me rappelle soudainement que toute ma vie, je me suis imaginé être ce mec qui va parler aux femmes sans pression, qui sait communiquer avec eux, qui sait les séduire. J’ai déjà abordé des nanas, mais je l’ai toujours fait lorsque je savais que le risque de rejet était contrôlé. Vous savez, parler fort à côté d’elles et voir comment elles regardent, parler avec les mecs de leur groupe s’il y en a pour entrer par la porte masculine. J’ai jamais eu de couilles quoi. Mais aujourd’hui, c’est différent, je suis différent.

J’enjambe la chaise qui me bloquait le passage, et je me dirige vers les deux petites blondes sans vraiment savoir ce que je vais leur dire. Je sais plus ce que je lache, mais ça ressemblait à “on dirait qu’on partage le même balcon, pourquoi on ferait pas connaissance ? pourquoi on se raconterait pas nos lifes ?”

Je l’ai vu, le petit oeil qu’elles se sont échangées, le fameux test féminin. Ça communique en language féminin, pour s’assurer que le mec poilu à chemise entrouverte n’est pas un psychopathe. Mais je vous l’ai déjà dit, aujourd’hui c’est différent, je suis au naturel, je vibre, et ça se voit. J’ai passé le test, et la conversation part d’un coup, j’ai chaud putain, je me trouve trop classe. J’ai vaincu, pour la première fois de mon exitense, la peur presque mystique des hommes d’aborder des femmes. Je suis là avec ma chemise déboutonnée, mes bagouzes, ma chaine en argent, à gérer une conversation avec deux nanas que moi, tout seul, j’ai abordé. C’est vraiment un moment spécial pour moi, parce que l’interaction est très cool, j’ai pas joué la carte du mongol testostéroné et il y a une petite tension de séduction, presque sexuelle, qui fait que peu importe ce qu’on se dit, on est bien.

Je deviens encore plus défoncé, je pars un peu n’importe où tester mes nouveaux pouvoir. Un autre groupe de blondes à coté du DJ qui s’ambiance. Elles sont sympa, des sourires sont échangés. Un pack de 3 dans la file d’attente pour aller aux chiottes. Celle du milieu est plutôt mignonne, je croise ses yeux quand elle essaie de boire cul sec une mignonette de tequila. Je lui fait remarquer qu’à ses yeux, elle n’a pas l’air de passer un bon moment. Elle acquiesse. Elles se mettent en pack fermé et parlent de leurs bijoux. Je tente un énorme coup de poker et je leur demande si elles sont mariés, ou engagées, vu que la conversation portait sur les bijoux. À ce moment précis je suis presque convaincu d’être un gros beauf, mais je m’en cogne. Et ça juste MARCHE, les trois me sourient, mais je détecte TRÈS rapidement la hiérarchie du groupe, il y a évidemment la plus mignonne au centre, celle qui attire les regards de manière presque mécanique. Il y avait l’autre silencieuse, probablement la plus chiante, dont je ne me rappelle même plus le visage 24h plus tard. Et puis il y a aussi la plus grosse, je la sens gênée, pourtant je la trouve plutot bandante. Elle porte beaucoup de maquillages, je crois qu’elle est mal à l’aise.

Un peu plus tard dans la soirée, je recroise une des deux premières blondes rencontrées lors de mon premier assault guerrier. Je crois qu’elle me kiffe, y’a un truc. Mais je suis trop nul en psychologie féminine pour être certain. On se jette des regards de temps en temps. Je vais une fois de plus aux chiottes, j’attends patiemment les bras croisés, chemise déboutonnée, barbe made in Turquie par Ozgür le technicien moustachu rencontré 8 mois plus tôt. Un an de muscu et de diète sérieuse, je ressemble pas à un mannequin asiatique, mais plus à un ruffiat mal éduqué qui soulève des trucs lourds et qui aime quand même bouffer. Elle arrive face à moi, me sert un grand sourire, et mime un truc large avec ses mains en me regardant. J’ai la confirmation qu’elle me kiffe, j’ai rien compris à ce qu’elle m’a dit, mais j’ai capté l’énergie. Elle aurait pu me dire que je ressemblait à un mécanicien bulgare en plein traitement cancereux, moi le seul truc que j’ai entendu c’est “putain que t’es beau”.

Ce jour-là, j’ai compris. J’ai compris pourquoi on reste des merdes toute notre vie, et pourquoi on se prive d’échanges, de connections et peut-être même de relations fantastiques avec les gens. Et la raison est plutôt simple: c’est parce qu’on a peur. Probablement bien réelle, probablement bien fondée même. Mais braver la peur, aller affronter le potentiel d’une rejection féminine, cela m’a offert un des plus beaux jours de ma vie, je me suis senti connecté à ma puissance intérieure, à mon potentiel masculin, bref à mes couilles.

Et vous savez le meilleur ? Peut-être que toutes ces nanas m’ont prise pour un camé avec 4g dans chaque bras, et qu’elles ont juste été polies. Mais c’est pas grave, parce que le plus important, c’est ce que je crois. Ce que je crois, moi.